En bonne culture junkie que je suis, et avide d’oeuvre au titre poétiquement ambigu, la première création du collectif Grande Surface ne pouvait que piquer ma curiosité. C’est au théâtre La Chapelle que je me suis rendue afin de découvrir Et Quand Vient Le Silence (on se rend compte que personne n’avait rien d’important à dire).
Et Quand Vient Le Silence ne nous dépayse pas. Le public atterrit dans un supermarché coloré comme il en existe partout au monde, avec au centre, toutes nos problématiques contemporaines. La caméra omniprésente dans les différentes scènes nous rappelle un peu le cellulaire que l’on garde dans sa poche pour capturer chaque moment du vivant.
Il s’agit alors pour le collectif Grande Surface, constitué des diplômés de l’École supérieure du théâtre de l’UQAM, de nous livrer le lyrisme qui émane des textes de Rodrigo Garcia. Les codes du théâtre classique sont là: le décor est éclatant, la mise en scène agitée et les effets stupéfiants. Mais la pièce mouvante est surtout émouvante. Le spectateur pense aller faire l’épicerie de façon insignifiante et se retrouve confronté à sa propre société: son consumérisme ambiant, ses relations virtuelles et fantasmées, ainsi que la transformation rapide de l’amour en violence.
La jeune femme qui met en scène sa propre mort n’est pas si étrange à nos yeux, elle parle d’affaires importantes: l’avortement, les déceptions, les échecs, les autres. L’homme qui mange des beignes Dunkin Donut tout en espérant leur coller un procès sur le dos s’il contracte un cancer, témoigne du propre paradoxe de notre surconsommation: quel étrange rapport amour-haine nous détenons face à cela. Doit-on vraiment risquer une vie médiocre alors que l’objectif initial était d’exister?
On s’émeut stupidement devant une publicité Coca-Cola alors que l’on cherche à se rapprocher du vrai but de la vie. On danse machinalement sur de la musique pop commerciale pour la promotion de donuts – alors que notre cœur est davantage happé par la nudité d’un humain imparfait, comme nous.
Grande Surface nous offre une prestation dingue et pourtant pas si loufoque que ça: trop occupés à se regarder le nombril, on en oublie l’orignal qui souffre devant nos yeux. On se sent voyeuriste de scène de vies banales, révoltantes et pourtant criantes de vérité. Un peu comme s’il fallait consommer notre vie comme un paquet de marshmallow.
Mais après tout, tout est normal. Et quand revient le silence, chacun reprend ses activités: on continue de regarder de son côté, on magasine, on mange. Bref, la vie continue. Si bien qu’à la fin on nous propose à nous aussi des beignes en sortant de la salle.
Grande Surface m’a émue et confortée dans l’idée que le théâtre contemporain n’est pas joli, ni conforme. Il est intelligent. Et le théâtre La Chapelle me reverra en 2016.
La Chapelle Scènes Contemporaines
(514) 843-7738
lachapelle.org
3700, rue Saint Dominique
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